NOTE D’HORUS TELECOM &
UTILITIES DANS LE CADRE DE LA PREPARATION DE CONNECTING WEST AFRICA
Quelle doit être la priorité principale
pour améliorer l’accès aux communications en Afrique de l’Ouest?
Les 20
dernières années ont été marquées par l’explosion de la téléphonie mobile en
Afrique de l’Ouest, qui a permis à une majorité de la population d’accéder aux
services de télécommunications qui lui était jusqu’alors fermés, puisqu’ils
étaient de facto réservés à l’administration, aux entreprises, à une faible
partie de leurs salariés (cadres) et aux quelques ménages (moins de 5%)
titulaires d’une ligne fixe.
Cette
« démocratisation » des services de voix a eu un impact considérable
sur les modes de vie et sans aucun doute sur le développement économique, et le
développement de nouveaux services comme le M-Paiement devrait continuer à
répondre à des besoins véritablement essentiels et à améliorer les conditions
de vie de chacun.
Trois
priorités se dégagent pour les années à venir :
- La baisse des coûts des services de voix mobile entre les réseaux
- Le développement de l’accès aux services de données, notamment auprès des très petites entreprises
- La couverture des zones rurales en services de voix et de données
Baisse
des coûts des services de voix mobiles entre les réseaux (« Off –
Net »)
Le
niveau élevé des coûts d’interconnexion constitue avant tout un moyen pour les
opérateurs dominants de freiner l’émergence de nouveaux acteurs.
Les
tarifs des communications Off – Net sont parfois le double des tarifs On – Net,
voire supérieurs aux tarifs des communications internationales.
Ce
niveau élevé de l’interconnexion procure à court terme des revenus importants
aux opérateurs en place mais ses
effets pervers, notamment pour les consommateurs, sont considérables :
- Frein à la concurrence (effet club)
- Phénomène des « multi – SIM » : selon les pays et le nombre d’opérateurs, les consommateurs finaux sont incités à s’équiper de 2 à 4 cartes SIM d’opérateurs différents. Le taux réel de pénétration (fondé sur le nombre réel d’utilisateurs) peut être deux fois moins élevé que le taux officiel, fondé sur le nombre de cartes SIM actives
- Coût finalement élevé pour les consommateurs qui consacrent jusqu’à 15% de leur revenu à la téléphonie mobile (contre 2 à 5% dans les pays de l’OCDE)
- ARPU très faible et tendanciellement décroissant pour chacun des opérateurs
En règle
générale, les pays d’Afrique de l’Ouest francophones ont du retard dans ce
domaine par rapport aux pays d’Afrique de l’Est et/ou anglophones, dans
lesquels (Ghana, Kenya..) les régulateurs ont imposé depuis quelques années des
baisses autoritaires des tarifs d’interconnexion.
Développement
de l’accès large bande aux services de données et à Internet
L’accès data
et internet large bande reste très limité, du fait principalement de la très
faible pénétration de la téléphonie fixe (0,1 à 1,5% de la population) et partant
de l’ADSL.
Le
développement relativement rapide de la 3G et bientôt des réseaux LTE permettra
d’amélioration l’accès mais ne répondra pas à l’ensemble des besoins, notamment
professionnels :
-
l’accès
data et Internet large bande (> 1 Mbps) est pour l’instant réservé aux grandes
et moyennes entreprises, via le réseau fixe ou le satellite (VSAT)
-
l’Internet
mobile adresse essentiellement une clientèle jeune et résidentielle : les
sites les plus visités sont Facebook, Google, Yahoo et YouTube
Il
n’existe donc pas ou peu d’offres adaptées aux besoins et capacités du segment majeur
des millions de très petites entreprises qui assurent l’essentiel de l’activité
économique et de l’emploi en Afrique.
La
couverture des zones rurales
La
couverture des zones rurales en services de voix et a fortiori de données a
toujours été différée par les opérateurs en raison des problèmes techniques
(énergie) et financiers qu’elle soulève.
Sous la
pression des Autorités Publiques (gouvernements et régulateurs) mais également
du fait d’une certaine saturation des marchés urbains, la situation évolue
(lentement) grâce à l’émergence de solutions innovantes dans les domaines de
l’énergie (solaire) et du transport (satellite).
La
couverture rurale dans des conditions rentables requiert de réaliser des
analyses géomarketing assez approfondies permettant d’adapter finement les
équipements radios (TRX) aux besoins réels. Elle devrait d’autre part être
facilitée par le développement assez rapide du partage de sites et l’apparition
de Tower compagnies.
Quel degré d’amélioration des réseaux est nécessaire pour offrir un accès fiable aux services de data?
Les
principaux problèmes sont :
-
En
ville, la qualité des réseaux fixes filaires (et leur éligibilité à l’ADSL)
dont la réhabilitation est très couteuse
-
A
l’échelle des pays, l’absence ou la saturation des réseaux de transports
(backbones) qui ne peuvent répondre aux besoins exponentiels en capacités
induits par le déploiement des réseaux 3G.
Comment les réseaux LTE se développent-ils dans la région? Qui sont les leaders et qu’est-ce qui fait de leur stratégie un succès?
Le
développement des réseaux LTE est pour l’instant plus lent en Afrique de
l’Ouest qu’en Afrique de l’Est où existent quelques acteurs majeurs comme Smile. Le Groupe Suisse YouMee Africa,
déjà présent au Cameroun, vient d’annoncer le lancement de ses activités en
Côte d’Ivoire.
Quels sont les derniers développements dans les services fixes/wireless?
Comment les opérateurs peuvent-ils contrôler les coûts pour maximiser leur profitabilité?
-
Par
la mise en commun des infrastructures de transport (backbones) et des infrastructures
passives des sites radios
-
Par
la limitation progressive des capacités d’accès radios (3G/4G) en fonction de
la consommation mensuelle des clients (formules de « faux illimité »)
Quels développements de satellites vont avoir le plus d’impact sur le secteur des communications dans la région?
L’apparition
des offres satellitaires en bande Ku et surtout Ka permet une réduction
drastique des coûts de bande passante, d’une part pour l’activité de
backhauling, et d’autre part pour le développement d’offres de services managés
d’accès large bande individuels.
Ces
offres devraient notamment permettre d’adresser le segment des TPE dans les
petites localités et les zones rurales où le déploiement d’infrastructures de
transport terrestre est trop couteux.
Quel est l’impact des technologies de fibre sur le marché de la région?
Cet
impact porte essentiellement sur le déploiement de réseaux de transport
(backbones) nationaux et internationaux, terrestres et sous-marins, qui ont
décuplé les capacités de connectivité large bande au moins le long des côtes de
toute l’Afrique et qui devraient en faire baisser le prix si les conditions de
concurrence et d’accès libre s’améliorent.
En termes
d’accès, cet impact, pour des raisons de coût d’investissement, restera limité
à court et moyen termes aux (très) grandes villes pour le raccordement des
administrations, des grandes entreprises et éventuellement de grands ensembles
immobiliers professionnels et résidentiels.
Comment les régulateurs et gouvernements soutiennent-ils l’investissement dans les réseaux de la région?
Les gouvernements soutiennent essentiellement les investissements dans les
backbones nationaux, par la recherche de financements internationaux et la mise
en place de PPP (Partenariat Publics Privés) mais ces processus sont très
lourds/lents à mettre en œuvre et n’emportent pas nécessairement l’adhésion des
opérateurs privés dans un contexte très concurrentiel.
D’un autre côté, gouvernements et régulateurs ont (trop) tendance à
considérer le secteur des télécommunications comme une source intarissable de
revenus à travers la mise en place régulières de nouvelles taxes, de plus en
plus souvent assises sur le chiffre d’affaires et donc très pénalisantes pour
les opérateurs.
Quelles sont vos attentes pour le salon Connecter l’Afrique de l’Ouest cette année?
Quelles sont vos attentes pour le salon Connecter l’Afrique de l’Ouest cette année?
Rencontrer
des opérateurs et régulateurs et les sensibiliser à l’intérêt et l’apport de
l’analyse géomarketing pour améliorer l’efficacité et la rentabilité des
réseaux, notamment en zones rurales.
Dominique Baron est Président d’Horus Telecoms & Utilities, une société de conseil au service des opérateurs de télécommunications et investisseurs dans le domaine du marketing, de la distribution, gestion, organisation et financement. Il donnera une présentation sur comment répondre à la demande de services en milieu rural dans des conditions économiques difficiles dans la conférence Connecter l'Afrique de l'Ouest à Dakar en Juin.